Artothèque Antonin Artaud : Ton travail actuel relève globalement de l’abstraction, mais la figuration semble parfois s’y introduire discrètement. Peux-tu nous éclairer sur ce point ?
Muriel Napoli : Je n’ai jamais pour projet a priori de représenter une fleur, par exemple. Je travaille de façon instinctive, je laisse les formes émerger peu à peu. Je pose les toiles à l’horizontale, ce qui me permet de travailler des matières très fluides sans craindre les coulures, et de privilégier des gestes
amples. C’est tout mon corps qui est en mouvement lorsque je peins. Ensuite, effectivement, des identifiables se manifestent parfois, formes qui évoquent souvent le monde végétal. Ce qui se retrouve plus généralement dans mes tableaux, c’est la capacité qu’a la nature de se transformer indépendamment de l’action de l’homme, de l’origine à nos jours. Formation des océans, origine de l’eau sur terre, sédimentation, incendie, magma, formation du charbon, des planètes, accrétion, phénomènes géologiques… J’élimine au maximum tout ce que l’homme a ajouté au monde, toutes les transformations apportées par lui, ce qui est artificiel. Mais le fait de représenter telle ou telle chose n’est jamais un objectif conscient. Le sens de mon œuvre, selon moi, se situe ailleurs que dans la figuration au sens classique du terme.
AAA : Si on te disait que ton travail a une valeur décorative, comme réagirais-tu ?
Muriel Napoli : L’idée de décoration est associée à une certaine superficialité, à une séduction immédiate. J’espère que mon œuvre a un impact plus profond. Mon ambition est de conduire le spectateur à penser, à méditer, peut-être à rêver. Il est difficile de le verbaliser, mais disons que pour moi la peinture est une recherche, une tentative pour relier les choses et les êtres au monde, à l’univers. J’essaie de plus en plus d’aller à l’essentiel, d’éliminer ce qui m’apparaît comme superflu, ou trop directement attractif. En tendant vers l’ascèse j’essaie de gagner en puissance, en profondeur.