Colette Thévenet
À voix nue
À l’automne de ma vie et au départ du père, j’ai éprouvé le besoin de me pencher avec gratitude et amour sur celle qui est souvent restée dans l’ombre et qui a suivi un chemin semé d’embûches sans jamais se départir d’une joie profonde qui prend sa source à l’essentiel. J’ai donc entamé un dialogue avec ELLE – ma mère – à travers des éléments forts qui ont jalonné notre vie et celle de nos ancêtres. J’ai laissé libre cours à ces vers qui entrelacent le présent, le futur incertain et qui s’ancrent dans des souvenirs parfois douloureux. Nous sommes des filles de la terre, la nature reste omniprésente comme dans chacun de mes recueils, parfois je ne fais plus de distinction entre ma mère et la terre, entre ma mère et l’eau, je leur suis infiniment reconnaissante de me conduire à l’humilité.
J’ai conscience d’apprivoiser quelque chose qui ressemble à la mort. Rien d’effrayant, au contraire un apaisement, la douce sensation que nos destins de femmes laisseront des traces légères au cœur de notre ile et dans le lit de la rivière. Reste peut-être quelques regrets de départs, de fuites vers le grand fleuve, vers d’autres iles étrangères à nos pas. J’ai souligné l’importance de l’enfance qui conditionne une vie et qui peut affecter plusieurs générations. Aux liens charnels s’ajoutent les dits et les non-dits qui hantent le présent et qui parfois serrant jusqu’au vertige / les bribes du passé / pour apaiser ma faim.
Ce recueil se termine par l’arrivée de l’enfant qui nous unit autour du mot delta. Quatrième lettre de l’alphabet grec, quatrième génération de femmes, à la fois continuité et changement. Nous voici renouvelées, si proches du grand fleuve, dans le delta fertile où s’écrit une fois encore une histoire de femmes.