Je suis née dans un lieu-dit du bout du monde, dans un ourlet secret aussi reculé qu’un creux de page froissée, à une enjambée de Lascaux. Pays des troubadours, de Montaigne, La Boétie, Brantôme, Fénelon, Augiéras… J’ai vécu vingt ans parmi les gens de l’ordinaire. L’on m’envoya à l’école. J’essayais d’être sage, d’entrer dans le rang. Je n’y parvenais pas. Quelque chose me travaillait au corps, quelque chose de puissant comme la force des saisons, et au profond de ce tourbillon s’imposait un désir incommensurable que je ne pouvais empêcher : le désir d’écrire.
J’ai gardé des chasseurs certain goût pour le braconnage, le silence et l’affût ; et des écrivains la joie de l’étude immobile et assidue.
J’aime me tenir à l’écart du monde, dans ma maison d’écriture et laisser venir les épices, les tragédies et les merveilles.
Les récits frappent à ma porte, voyageurs qui viennent de loin, de forêts secrètes, d’estuaires remontés à rebrousse-marées, ils vont vêtus d’énigmes et d’odeurs du monde, ils ont soif et faim de la langue, je les écoute, je les écris.
Les uns ont beaucoup à dire, (les romans), les autres sont plus laconiques, (les poèmes ou les albums) certains mettent du temps à se raconter, d’autres encore se disent en quelques phrases et il y a les muets qui attendent dans l’ombre. Quelques-uns deviennent des récits pour les tout-petits, d’autres pour les jeunes et certains pour les adultes.